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Correspondance-1914-1918-CharlesBarret

13 mars 2016

Dans une équipe de signaleurs – Demande pour St Cyr ou pour l’aviation ?

Le 7 janvier 1916

Chers Parents,

 

Il est 9h du matin ; avant d’aller manger je profite de quelques moments de liberté pour vous écrire.

Je suis maintenant dans une équipe de signaleurs. Nous suivons des cours spéciaux qui doivent durer environ un mois. Nous avons tous les appareils dernier modèle que l’on emploie dans la première armée. Cela est plus intéressant que d’aller à l’exercice avec la compagnie qui est en train d’établir un terrain d’attaque. Ce qui veut dire que nous ne sommes pas encore partis d’ici.

Le Général Dubail doit venir nous voir ces jours-ci, dans une tournée d’inspection.

Au sujet de ma demande d’admission aux examens de St Cyr je préfère attendre quelques temps et obtenir des renseignements précis avant de tenter quelque chose. Lorsque je serai sur d’arriver dans une voie je ferai des demandes soit pour St Cyr, soit pour l’aviation.

Les examens qui auront lieu pour la classe 17 ne commenceront qu’à partir du mois de Mars, aussi ai-je du temps devant moi pour tester le terrain.

Cousin Auguste m’a envoyé ces jours-ci un colis de biscuits de Fraisans. J’ai reçu une lettre de cousine Madeleine qui m’envoie ses vœux.

Je n’ai pas eu de vos nouvelles depuis que vous m’avez envoyé la lettre de l’oncle Louis. Je vous prie de m’envoyer quelques brochures comme vous l’avez déjà fait, ainsi qu’un peu de musique pour violon, des chansons, chansonnettes et des chœurs. Si vous trouvez quelques petites comédie ou saynètes comiques (genre Courteline) envoyez les moi ; cela nous permettra d’égayer nos soirées et d’organiser quelques petits concerts.

L’heure de la soupe vient de sonner, je vous quitte, et pense recevoir bientôt de vos longues et bonnes nouvelles.

Je vous embrasse comme je vous aime.

Baisers à tous.

 

                                                       Charles

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13 mars 2016

Lettre adressée à Charles et écrite par sa cousine carmélite

  

Vienne, ce 2 janvier  1916

 Vive le Christ qui aime les Francs

 

  

 

Mon cher Charles,

 

Vous ne doutez nullement du plaisir que m’a causé votre lettre. Je l’ai relue plus d’une fois, ne me lassant pas de constater les nobles sentiments qu’elle exprime. Je suis heureuse de vous voir si vaillant, si décidé à faire tout votre devoir. Certes, il est beau et bien fait pour enthousiasmer un cœur généreux, le devoir que vous impose le pays. Mais il est aussi fait de sacrifices, bien grands pour votre jeunesse. Aussi je regarde comme une obligation de vous aider à les faire tous et toujours aussi allègrement. Je vous promets donc ma prière, la plus fervente, c’est tout ce que peut faire une carmélite. Votre foi profonde vous montrera sous ce secours humain, si minime est lui-même ( ?), la protection du Dieu des armées, qui écoute la prière des petits. A lui je vous confierai chaque matin au St Sacrifice et avec moi soyez sûr qu’il ne vous laissera jamais seul ; c’est le plus fidèle des amis.

Continuez, mon cher Charles, à aller tout droit à l’accomplissement des desseins de Dieu. Ce qu’il veut est toujours ce qu’il y a de meilleurs pour nous. Bien que nous ne comprenons pas toujours, nous pouvons être assurés que son regard paternel nous suit. Il l’a dit, un cheveu de notre tête ne tombe pas sans ma permission et dans tout ce qu’il permet, il reste toujours l’Infiniment Sage qui peut tout et qui nous aime.

Nous qui vous suivons de loin, nous avons plus d’espérance en la victoire, car Dieu bénira le désintéressement des braves soldats de France et je suis persuadée que le votre attire déjà des bénédictions sur ceux que vous avez quittés.

 

Vous me dites votre espoir de revenir, je le partage, et je vous prie d’accepter ce que Notre B. Mère ajoute à ce pli. Ce sont des reliques d’une Carmélite, Sr Thérèse de l’Enfant Jésus, le thaumaturge de notre siècle ; gardez-les toujours sur vous. Notre petite sœur fera pour vous ce qu’elle a fait pour tant d’autres déjà, de véritables merveilles.

 

Je demande que cette nouvelle année que vous commencez si bien, soit bonne, très bonne pour vous. Que de tous les rudes travaux de la guerre, de toutes les souffrances qu’elle fait endurer, vous recueillez tout le mérite afin que les mauvais jours passés, il vous reste le bien qui demeure. Je suis heureuse, je vous le redis encore, à la pensée que l’occasion vous est donnée de vivre de telles heures. Le temps que Dieu nous donne à vivre ici bas, n’est qu’un moyen qui nous permet d’arriver à notre fin : Lui-même. Nous sommes des privilégiés nous qui le savons, bénissons en Dieu.

 

Je vous remercie du souvenir que vous me garder dans votre prière. J’en ai besoin moi aussi pour devenir une Carmélite, une âme militante afin de sauver les âmes. Notre sort est beau.

 

A Dieu, mon cher Charles, écrivez-moi encore lorsque vous le pourrez ; je serai heureuse d’apprendre de vos nouvelles et Ma Mère me permettra sans nul doute de vous répondre.

 

Croyez à mon souvenir fidèle auprès du Seigneur.

 

                                                         Votre cousine toute dévouée

Sr Mad de Jésus 

 

PS : En me relisant, je trouve que je ne vous ai pas assez dit combien j’ai été touchée par la simplicité avec laquelle vous me faites part de vos aspirations. Croyez que je les ai reçues avec une grande joie et que j’y réponds de tout mon cœur. Je pense que le cher bon papa, et aussi la bonne maman, doivent être fiers, là-haut, du petit fils qu’ils aimaient tant. Fierté bien légitime car vous faites honneur à leur nom.

 

 

 

13 mars 2016

Cloches de France – Cloches de Victoire

 Chant militaire composé par Charles lors de son séjour à l'hôpital militaire de Bondonneau (commune d'Allan dans la Drôme) en juin 1915

 

Soldats en avant

C’est pour la patrie !

Marchons confiants.

Soldats en avant,

Car Dieu nous défend

Contre les impies.

Soldats en avant

C’est pour la patrie !

 

Les cloches ont sonné des heures d’allégresse,

Les cloches ont chanté de doux refrains joyeux,

Les cloches ont lancé le glas de la tristesse,

Les cloches ont pleuré le sort des malheureux.

     - - - - - - - -

Les cloches ont sonné, plus tard l’heure terrible,

Car la guerre est venue troubler leur doux repos ;

Et déjà l’on avait des visions horribles ;

Plus d’un triste présage était dans leurs échos.

     - - - - - - - -

Les soldats sont partis joyeux et pleins d’audace,

Confiants dans leur sort et vivant dans l’espoir,

Mais laissant au logis les femmes dans l’angoisse

Pleurant le jour ; la nuit faisant des rêves noirs.

     - - - - - - - -

Puis ils ont combattu sur le champ de bataille ;

Ils luttaient pour le droit, ils luttaient pour l’honneur,

Refoulant l’allemand sous la sombre mitraille

Les morts tombaient autour, mais ils n’avaient pas peur.

     - - - - - - - -

Et les cloches lançaient des notes d’espérance,

Mais leur son peu à peu s’obscurait lentement ;

Les Teutons s’avançaient, souillant le sol de France

Et le petit Français se battant bravement.

     - - - - - - - -

Cependant, les teutons en forces sépulcrales,

Massacraient, sans pitié les femmes et les enfants,

Reniaient les traités, violaient les cathédrales

Et se croyant déjà vainqueurs et triomphants.

     - - - - - - - -

Les cloches n’étaient plus aux clochers des églises,

Elles gisaient parmi les débris et le sang,

Et les grands saints de pierre aux longues ailes grises

Etaient là, piétinés des Teutons … indécents.

     - - - - - - - -

Mais le petit Français voulait venger l’outrage,

Il combattait gaiement sans craindre le péril,

Et bientôt il parvint, sublime de courage,

A repousser bien loin, le Teuton bas et vil.

     - - - - - - - -

Comme les anciens preux du doux pays de France,

Fier, brave et courageux, confiant, plein d’honneur,

Il devint, grâce à Dieu, et grâce à sa vaillance,

Vengeur du droit et des Teutons vainqueur.

     - - - - - - - -

O grand jour, O triomphe, O doux apothéose,

Le clairon résonnait haut et justement fier.

Victoires et lauriers, bonheur, sublime chose.

Et les cloches d’airain vibraient au matin clair.

 

Soldats en avant

C’est pour la patrie !

Marchons confiants.

Soldats en avant,

Car Dieu nous défend

Contre les impies.

Soldats en avant

C’est pour la patrie !

19 février 2016

Charles Barret avec 2 camarades du 152ème régiment d'infanterie

Charles et 2 autres soldats063

19 février 2016

30 décembre 1915 – Les distractions sont nécessaires aux militaires loin des leurs et de leur affection

 

30 déc. 1915

Lettre de Charles à ses grands parents

 

 

 

 

 

 

 

 

 le 30 décembre 1915

Chers grands parents,,

 

Je vous adresse mes meilleurs vœux à l’occasion de l’année nouvelle. Je souhaite que bientôt nous puissions tous nous retrouver pleins de santé, au milieu des chants de victoire.

J’ai reçu de vos nouvelles dernièrement par maman. Je pense que vous avez reçu toutes mes lettres et cartes que je vous envoie à intervalles égaux.

Nous avons fort bien passé les fêtes de Noël ici. Mes parents ont dû vous conter la chose. Nous nous préparons à recommencer pour le nouvel an.

Comme vous voyez nous sommes fort bien ici et nous finissons à nous habituer à la « vie du front » !!!. Nous sommes organisés de façon à pouvoir passer l’hiver à …. ici (comme vous savez) et cet hiver durera sans doute jusqu’en Mai. C’est donc dire que nous lèverons l’ancre qu’au printemps, quelques temps avant l'envoi de la classe 17 dans la zone des armées. Aussi nous tâcherons de prendre autant de « confortable » que nous pourrons.

En dehors des exercices je suis avec mes camarades dans ma petite chambre en train de lire de faire un peu de musique, d’écrire ou de causer. Nous organisons aussi sous les auspices du commandant des concerts religieux comme des concerts profanes. Les gens du pays sont très affables. Ils ont bien voulu nous confier de nombreux instruments de musique, - j’ai pour ma part un bugle* et un violon, même un piano, - certains nous ont permis de nous exercer dans des salons qu’ils ont entièrement mis à notre disposition. Ici nous n’avons pas à penser à autre chose qu’à la distraction. Il en faut au militaire qui vit éloignée des siens et de toute  tendre affection. Il doit vivre dans la camaraderie intime de la communauté des soldats et rester gai tout en écoutant le son lointain du canon qui gronde et qui lui paraît bientôt une musique glorieuse, celle des champs de bataille.

Je termine chers grands parents, en vous renouvelant de tout cœur mes souhaits les meilleurs et formule aussi tendrement que le peux votre petit fils qui vous embrasse comme il vous aime.

 

                                                       Charles

 

* bugle : Trompette à clefs, en usage principalement dans les musiques militaires.

 

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19 février 2016

22 décembre 1915 – Organisation des fêtes de Noël, Charles prend en main l’animation musicale

22 déc. 1915

Lettre de Charles à ses grands parents

 

 

 

 

 

 

 

 

 le 22 décembre 1915

Chers grands parents,,

 

 

Vous devez avoir de mes nouvelles par mes parents. Je pense que vous avez reçu mes lettres. Je suis toujours en bonne santé. La vie est toujours inchangée.

La Noël approche. Nous organisons des fêtes à cette occasion. Le commandant du détachement s’en occupe lui-même. Je suis moi-même un peu l’organisateur de concerts profanes et religieux, musique militaire, etc… Le soir je vais avec quelques amis chez de braves propriétaires du village, gens très biens, qui ont mis leur salon à notre disposition et là nous nous exerçons jusqu’à 9 ou 10 h. Nous avons la permission du commandant. Cet après-midi je suis allé prendre le café chez eux pour discuter de l’organisation de la fête. 

Vous voyez que je cherche à m’ennuyer le moins possible. Nous tâcherons de nous amuser pour Noël.

Il fait toujours le même temps humide. La neige tombe parfois mais il ne gèle que très rarement. Si l’hiver se passe ainsi nous serons obligés de rester enfermés tous les jours. J’ai heureusement une chambre en ville où chaque jour je vais prendre le thé avec quelques camarades à 5h ; c’est notre meilleur moment de la journée.

Je pense que vous êtes en bonne santé. Soignez-vous et tâchez de passer l’hiver aussi bien que l’an dernier.

Je t’embrasse comme je vous aime.

Baisers à tante Louise et à cousin Léon.

 

                                                       Barret C.

 

Informations sur l’enveloppe :

Envoi de C. Barret, 157éme alpins, 34ème Cie, 9éme baton, 2ème groupt ?? cl 16 ; sect 139

19 février 2016

14 décembre 1915 – Je ne peux donner des renseignements sur notre position ; examen pour St Cyr ?

14 déc. 1915

Lettre de Charles à ses parents

 

 

 

 

 

 

 

 

Le 14 décembre 1915

 

Chers Parents,,

 

J’ai reçu ce soir au retour de l’exercice la lettre de papa datée du 10 ainsi que son envoi de journaux. Je suis heureux que vous soyez tous en en excellente santé.

Au sujet des renseignements que papa me demande sur l’endroit où nous nous trouvons, il m’est interdit d’en donner, mais tout ce qu’il suppose est exact.

Il ne me manque rien. Quoique la température se soit abaissée je n’ai pas froid, aussi je vous prie de ne m’envoyer aucun sous vêtement de papier japonais ni non plus mon manteau de caoutchouc. Je vous avertirai en temps opportun.

Je suis dans mon escouade avec de très bons camarades, Fériol de Romans et un de ses amis de St Cyr. Nous sortons le soir ensemble et allons boire un peu de lait chez un brave fermier du village. Notre vie n’est pas très animée. Exercice matin et soir et c’est tout. La nourriture est suffisante

Je n’ai pas renouvelé ma demande pour entrer dans l’aviation mais je vais parler au lieutenant commandant ma Cie à ce sujet et aussi pour la question de nouveaux examens de St-Cyr. Si je reste ici, je n’aurai certainement pas de galon avant mon premier fait d’armes au front. Donc c’est une attente de trois ou quatre mois. Tandis qu’au contraire je puis être nommé au bout du même laps de temps soit aspirant ou sergent si je vais à St Cyr, soit pilote aviateur si ma demande est agréée. Je vais faire mon possible pour qu’un nouveau changement intervienne en ma faveur dans l’un ou l’autre sens.

Je n’oublierais pas d’écrire à cousine Madeleine. Je suis très heureux que vous m’ayez confié à la vierge de Fourvière. Marie a toujours été ma divine protectrice depuis mon entrée en pension ; j’espère qu’elle permettra l’accomplissement du pèlerinage que nous devons faire ensemble en des temps meilleurs.

Ici je n’ai guère le temps de lire, ;d’autre part nous recevons les journaux  Envoyez moi tout de même quelques brochures de temps en temps.

Aujourd’hui avant dernier jour de la souscription nationale, nous avons eu l’idée de souscrire à la Cie chacun pour 1 Franc au moins de façon à pouvoir acheter trois [ …] de la D.N. qui seront ensuite tirés au sort entre nous probablement pour la Noël. J’ai mis ma petite obole et j’ai souscrit pour 5 numéros de 1 F chacun. Nous allons organiser des séances récréatives qui nous permettront de passer plus agréablement les jours de fête. Les chanteurs et les musiciens se font inscrire.  

 

Je vous embrasse comme je vous aime..   

 

                                                       Charles

19 février 2016

12 décembre 1915 – Installation – nombreuses corvées et peu d’exercices

12 déc. 1915

Lettre de Charles à ses parents

 

 

 

 

 

 

 

 

le 12 décembre 1915

 

Chers Parents ,

 

 

Je crois que depuis hier rien de bien nouveau n’est survenu dans ma nouvelle vie de poilu pour donner sujet à commentaire. Je vous ai déjà dit c’était toujours la monotone vie de camp comme à St Paul. Aussi aujourd’hui dimanche n’ai-je pas autre chose à faire que ma correspondance. Je serai bien allé faire un tour dans les environs avec quelques camarades. Vaucouleurs et Domremy ne sont qu’à 7 km mais la pluie qui ne cesse de couler en est un facteur d’empêchement.  D’autre part notre secteur de promenade est limité.

Si nous devons rester ici quelques mois, ce qui est fort probable, nous nous organiserons pour avoir quelques distractions.

La semaine nous faisons assez peu d’exercice, ce que nous faisons surtout c’est du service. Les corvées s’alignent sur les corvées. Il est vrai que nous en sommes encore au temps de l’installation. Aussi les revues sont-elles nombreuses et passablement ennuyeuses. J’espère que tout cela ne durera pas, et depuis si longtemps que je n’ai fait d’exercice il me tarde d’y revenir.

Il fait très bon ici, quoique le temps soit continuellement humide et que la pluie ne cesse de tomber. Le froid n’a pas encore sévi. Aujourd’hui quelques flocons de neige sont venus agrémenter la monotonie du paysage mais la terre reste grise.

Quel temps fait-il à Romans ? Que faites vous ? Quoique je n’ai pas la nostalgie du pays, j’éprouve un grand plaisir en recevant des nouvelles de ceux que j’aime et que j’embrasse d’ici bien tendrement.

 

 

                                                       Charles

 

 

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19 février 2016

10 décembre 1915 – Arrivée aux armées – quelques consignes pour le courrier

10 déc. 1915

Lettre de Charles à ses parents

 

 

le 10 décembre 1915

 

Chers parents,

 

J’ai reçu ce matin avec un bien vif plaisir la lettre de maman datée du 6 courant. C’est la première lettre qui me parvient dans la zone des armées et c’est une grande joie que j’ai éprouvée en recevant ces nouvelles de l’intérieur. Je suis heureux que tous soyez en bonne santé et j’espère que l’indisposition de Raoul ne sera pas de longue durée. Je me porte moi-même toujours aussi bien.

D’ailleurs il fait une véritable température d’été. Je ne souffre pas du tout du froid. Depuis que nous sommes arrivés la pluie n’a pas cessé de tomber. La Meuse inonde entièrement la plaine. Aussi le climat est-il légèrement humide. Mais nous savons nous soigner et prendre les précautions nécessaires à notre santé. Nous sommes toujours très bien nourris et nous avons organisé aujourd’hui une petite chambrée modèle dans notre vieille grange. Tout est propret et bien installé. Nous avons chacun notre paillasse, un sac à viande et une couverture. Nous mettons dessus un couvre pieds et la capote. Tout est comme à Saint Paul et pour moi, même mieux car je n’ai plus ces maudits courants d’air qui m’obligeaient à prendre chaque nuit un passe-montagne.

Dans les lettres que vous m’envoyez, ne mentionnez pas je vous prie la localité où je me trouve ; le N° de secteur suffit. Cela est très grave car il nous est interdit sous peine de très sévères punitions de donner des renseignements sur notre situation dans la zone des armées.

Pour le moment nous sommes toujours au village où nous avons débarqué qui se trouve à 4 km de celui où nous avons passé une huitaine de jours. Nous y resterons définitivement pendant les quelques mois que nous devons passer à l’arrière, c’est à dire jusqu’au printemps prochain, car tout est organisé ici pour un long séjour.

Il ne me manque absolument rien. J’ai donc moi tout ce dont j’ai besoin. Je vous avertirai dès qu’il me faudra quelque chose. Je ne sais si je peux recevoir des paquets par la gare, je crois que seuls les colis postaux sont permis ; renseignez-vous toujours.

Dans le prochain colis que vous m‘enverrez, joignez-y je vous prie une pile électrique pour ma lampe.

Les vivres que j’ai emportés de Valence m’ont fait presque une semaine ; j’en avais encore ces derniers temps et pourtant je les avais partagés avec plusieurs camarades. Tout était excellent. Je vous en remercie beaucoup et j’en remercie aussi tante Gabrielle.

J’espère que j’aurai souvent de vos nouvelles qui me font tant plaisir.

Je vous embrasse comme je vous aime.

 

                                                                  Charles

 

19 février 2016

4 décembre 1915 – Arrivée près du front - « il nous tarde d’entendre le canon »

4déc1915

4 déc. 1915

Lettre de Charles à ses parents

 

 

 

 

 

 

 

 

le 4 décembre 1915

Chers parents,

 

 

Tout va très bien. Nous sommes arrivés hier soir ou plutôt ce matin à deux heures après avoir fait une petite marche de quelques kilomètres.

Nous sommes à Pagny et devons y rester un ou deux mois, mais il paraît que notre lieu de cantonnement est changé car l’ordre nous est venu tout à l’heure de partir pour Pagny sur Meuse. Nous sommes très bien ici. Le village n’est pas grand mais l’approvisionnement est fort bien fait et on trouve un peu de tout.

Nous couchons sur la paille, ce qui ne vaut pas les draps, mais ce qui ne veut pas dire non plus que l’on dort mal, car les cantonnements sont très propres ; ce sont en fait d’anciennes granges aménagées.

Nous sommes encore bien loin du front. On n’entend pas seulement le canon et cependant il nous tarde à tous de l’entendre. Je pense toutefois que nous aurons longtemps à passer avant d’être envoyés dans les tranchées.

Le temps est couvert toujours et légèrement humide. Ici la Meuse inonde légèrement les prés et les routes sont boueuses. Mais ce n’est là qu’un tout petit détail. Les quelques habitants de la région ont en accent Francomtois  très prononcé.

Le 157ème forme bataillon de marche avec le 52ème de Montélimar. Nous sommes aussi avec le 55ème. Nous formons ainsi un groupe d’instruction spécial et nous ne sommes pas encore destinés à aller sur la ligne de front.

J’espère que vous êtes en aussi bonne santé que lorsque je vous ai vu à Valence et surtout, je vous prie de ne [pas] vous faire du mauvais sang à mon sujet. Je ne dois pas encore aller voir les boches.

Au moment de terminer ma lettre, j’apprends que nous devons rester ici. Voici mon adresse :

157ème – 34ème Cie, 2ème section

2ème groupement d’instruction

Classe 16

Secteur 159

 

Je vous embrasse comme je vous aime. Embrassez bien tout le monde pour moi car je n’ai pas le temps surtout au moment de l’arrivée d’envoyer à tous de mes nouvelles.

 

                                                       Charles

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Correspondance-1914-1918-CharlesBarret
  • Correspondance de Charles Barret, soldat au 157ème puis 159ème régiment d'infanterie, durant la guerre de 14-18 Homme érudit doté d'une grande aisance rédactionnelle, il témoignage d'une époque, du fond des tranchées (Verdun, l'Argone, la Somme, ...)
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